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  Travailler est une horrible chose.

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AuteurMessage
bugsy
Rang: Administrateur



Nombre de messages : 370
Date d'inscription : 16/04/2015

 Travailler est une horrible chose. Empty
MessageSujet: Travailler est une horrible chose.    Travailler est une horrible chose. EmptyMer 3 Fév - 13:52

Travailler est une horrible chose.

Tous ceux qui se brisent l’échine sur des machines à coudre, s’abrutissent le cerveau devant des ordinateurs, suent dans des call-centers, se mutilent à porter des cartons dont ils ne connaissent même pas le contenu, pleurent dans les chiottes pour effacer cet horrible sourire qu’ils doivent tenir face au client, et tous les autres qui perdent une partie de leur force en manœuvrant répétitivement des gestes qui ne leur apportent rien d’autre qu’un peu d’argent qui passera du compte en banque de leur patron à celui de leur propriétaire, tous ceux-là sont au moins capables d’en convenir. Le travail est ce mélange de tristesse, d’ennui, de douleur, de frustration, d’enfermement et de faux-semblants. Il est une action à l’encontre de nos corps, de notre épanouissement, de notre subsistance, et contrairement aux lieux communs, de notre survie. Alors oui, le travail est une horrible chose. Peut-être quelques cadres, chefs d’entreprise, artistes, scientifiques ou autres me contrediront dans cette affirmation, mais à vrai dire, y a t il encore autre chose que des esclaves heureux pour tenir compte de leurs objections dans leur vie quotidienne ?

Cela fait des années que je travaille un peu moins de quinze heures par semaines. Je ne travaille pas parce que je pense qu’il faut travailler, je travaille parce que pour l’instant c’est le compromis que j’ai trouvé avec le chantage de l’argent. Plus précisément, je suis serveur dans un restaurant d’un quartier riche du centre de Paris avec une clientèle de bobos de toutes sortes (sauf des pauvres peut-être), cela va du fan de bio au nouveau riche désireux d’exhiber quelques liasses devant ses congénères. Chaque journée de travail c’est la même répétition de gestes fonctionnels, c’est des centaines de personnes avec qui il faut échanger sourires crispés et dialogues sans sincérité ni intérêt (mutuel) dans lesquels nous sommes considérés comme de simple moyens, et non comme des fins. Nous ne sommes, pour le client, que le moyen d’obtenir à manger, nous sommes des intermédiaires (parmi tant d’autres) entre son porte-monnaie et la banque du patron restaurateur. Bien sûr, c’est difficile sur la longueur, de jouer le jeu qui consiste à accepter que nous ne sommes rien, que nous sommes des servants que l’on peut faire apparaître d’un coup (nous n’attendons que ça) en sifflant ou en claquant des doigts et à qui l’on donne des ordres et des commandements que l’on enrobe d’une forme interrogative parce qu’au fond l’idée d’avoir des esclaves est insupportable à beaucoup lorsqu’elle se présente de façon trop évidente. Lorsque le client demande du pain, il ne le demande pas, il l’exige, et nous devons nous exécuter sur le champ. Imaginez donc un serveur répondre « non, je n’ai pas envie de vous servir » ou bien « non, rien ne m’inspire chez vous l’envie de vous rendre service ».

Mais qu’est-ce qu’un client ? Pour dire vrai, je n’en sais rien. Il m’est impossible de définir cette nouvelle classe, cet état d’être si absurde et pourtant si intégré. Le client est une personne qui en échange d’une certaine somme d’argent (ou de je ne sais quelle autre valeur d’échange) est en droit d’obtenir, avec l’appui des lois, un service quelconque. Et le client doit obtenir ce service, il n’y a pas de conditions ni de négociations possibles. Lorsqu’un client a payé ou qu’il va payer, une croyance ancrée en tous plus fortement encore que n’importe quelle autre croyance superstitieuse, veut que celui-ci obtiendra son dû. Par exemple, un client me commande une tarte, cela tombe bien il n’en reste qu’une. Au moment de le servir, celle-ci glisse de mes mains usées par une journée usante à répéter les mêmes tâches, avant de s’échouer sur le sol. Je m’excuse comme il est d’usage et me mets à quatre patte pour essuyer pendant que celui-ci me peste dessus à quel point il est pressé et à quel point ce qu’il a à faire est important, voir primordial. Je lui redonne la carte pour qu’il choisisse un autre plat, mais il veut une tarte, je lui ré-explique que c’était la dernière, mais cela n’y fait rien, il veut une tarte et c’est un restaurant qui sert des tartes, alors il doit avoir sa tarte, c’est comme ça. Le client commande et exige, il est dans son droit d’avoir une tarte, le contrat social le lui garantit, la loi l’encadre. Le patron lui, nous explique que « le client est roi », c’est même sa devise, la devise de toute une vie, une devise qui porte en elle l’invariance de l’autorité : lorsqu’il y a un roi, il faut le servir, alors si le client est roi, il faut servir le client.

Avec les collègues les moins frais dans ce jeu d’exploitation et les plus désabusés, nous nous faisons souvent la remarque que les clients pourraient nous voir gicler du sang par tous les pores de nos corps, pleurer, souffrir, tomber que cela n’y ferait rien, ils ont commandé à manger, ils doivent avoir à manger. C’est leur droit, c’est notre devoir. De fait, la première chose que doit savoir faire un serveur c’est de se la fermer, ravaler toute fierté, toute image de lui-même qui lui renverrait un peu de dignité, puis de maîtriser ses pulsions violentes et agressives.

Toute cette merde pour garder un travail que nous ne supportons pas ? Le paradoxe est gigantesque, c’est celui de la domination. En fait nous ne nous tenons pas en rang car nous voulons conserver l’emploi, mais parce que nous voulons conserver le salaire, aussi minable soit-il, et cela n’est que la centième couche de compromis, bien après celle qui consiste à accepter qu’il faut de l’argent pour vivre sous la domination capitaliste omniprésente.

Ces quelques lignes ne se veulent pas importantes, elles ne seront pas publiées avec régularité, mais au gré du besoin de les sortir de son auteur, elles ne sont que les lignes d’un individu frustré jusqu’à la moelle qui passe son temps à refréner sa violence, qui rêverait de balancer des assiettes à la gueule de tous ces connards mais qui n’a pas encore plus rien à perdre, en tout cas pas son salaire. C’est parce qu’il faut garder le salaire qu’il faut garder l’emploi, et garder l’emploi ne tient pas à grand chose. Balancer une assiette dans la gueule dégoulinante de ces infâmes roquets de clients rois ne fait pas partie de ces choses.

Mais qui sait ? Peut-être un jour…

Non serviam.
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