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 Parlez-moi de travail. Et je sors mon revolver.

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bugsy
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Nombre de messages : 370
Date d'inscription : 16/04/2015

Parlez-moi de travail. Et je sors mon revolver. Empty
MessageSujet: Parlez-moi de travail. Et je sors mon revolver.   Parlez-moi de travail. Et je sors mon revolver. EmptyMer 3 Fév - 13:56

Parlez-moi de travail. Et je sors mon revolver.

Je n’avais pas quinze ans quand le démon du travail m’a taquiné. C’était comme ça, à cette époque, pour être un homme, un héros, il était dans les conventions de se lancer dans le brouhaha des usines. Des bras, l’industrie en consommait beaucoup pour produire plus. Mon père était fier de voir l’aîné de ses rejetons entrer en sidérurgie, dans le grand ordre du travail.

Aujourd’hui, des aciéries Minières de la Sambre où je suis entré en 1961, il ne reste plus rien. Tout a été rasé, les cheminées, les tuyaux et les grandes bouches rougeoyantes des aciéries et des hauts-fourneaux ont cédé la place à la folle avoine. Les péniches viennent encore à Marchienne-au-Pont et dorment tranquillement le long des berges de la Sambre, comme si les fantômes des grues venaient encore les charger.
Nous avons travaillé comme des bêtes dans ces laminoirs. Il faut avoir manipulé le fer incandescent et vu les hommes souffrir autour du métal pour imaginer un instant la vie d’un sidérurgiste. Les premiers jours, rompu de fatigue, j’ai fait comme tous les gamins qui se frottaient pour la première fois à cet enfer d’acier et de feu, j’ai pleuré d’épuisement, mêlant larmes et sueur.

Puis je me suis habitué, comme les autres, qui étaient là depuis des années et qui parfois savaient à peine écrire leur nom. Certains d’entre nous ont payé de leur chair la contribution au boom des golden sixties. Je n’oublierai jamais ce garçon de 17 ans qui eut les deux jambes sectionnées par un cylindre.
Bien d’autres ont laissé doigts et bras. Mon père y a perdu la vie, un dimanche matin, coupé en trois par la locomotive du four à coke. Pantin désarticulé que l’on avait rabiboché pour nous le présenter une dernière fois à l’hôpital des accidentés du travail (construit uniquement pour rafistoler et recoudre ceux que l’usine amochait; les assurances, pour grappiller quelques francs sur les malheureux, poussaient les chirurgiens à fabriquer de terribles marionnettes, plutôt que d’amputer !).
Un représentant de la direction était là pour nous accueillir, il a cru bon de nous dire : « Ah ! C’était un travailleur… ». Je crois que c’est ce jour-là que je me suis rendu compte que nous étions roulés.

Oui, on nous a roulés et on continue à berner des générations en leur inculquant la grande vertu du travail. D’autres emplois dans diverses industries ont ponctué vingt-trois ans de carrière. J’ai moi-même fondé une famille et pour l’alimenter, j’ai soutenu des cadences infernales. Debout à 5 h, rentré à 18 h, et puis militer le soir pour… la réduction du temps de travail !

Voici trois ans que je suis au chômage, je fais partie de ces zombies que l’on oblige quotidiennement à estampiller du sceau de la fainéantise une carte rouge pour leur rappeler qu’ils vivent aux crochets de ceux qui ont le bonheur de travailler…

Mais quelle bénédiction d’être chômeur, pardon… travailleur sans emploi, selon la formule consacrée. Dommage que le pécule est un peu maigre, mais nous sommes enfin libres. Nous n’avons plus de nœud au ventre parce que nous n’atteignons pas les quotas de production ou parce que nous arrivons en retard au boulot; le nec plus ultra, c’est de ne plus entendre la voix vociférante du chef entre le vacarme des machines et l’angoisse d’être viré ! Ça n’a pas de prix !

Mais j’ai tout de même une petite crainte d’être à nouveau envoyé au turbin par tous ceux qui sentent le besoin de verser une larme sur notre sort, nous les sevrés de la production. Faut-il préciser que très souvent ceux-là ne connaissent rien au bordel infernal du travail. J’entends déjà les voix offusquées s’étranglant à la lecture de mes propos: « Mais nous n’allons pas vous payer à ne rien faire, c’est indécent… ». Tiens donc, et les actionnaires, leur demande-t-on si on va continuer à les rétribuer à ne rien faire ? Leur demande-t-on de pointer dans un local minable pour que l’on puisse les montrer du doigt comme les parasites de la société ?
Ils ont compris bien avant moi que le travail n’était pas une vertu, ni une manière de s’épanouir.

De sa fonction purement alimentaire, le travail est devenu une valeur culturelle, un symbole de reconnaissance, à un tel point que certains sont prêts à sacrifier une partie de l’aspect alimentaire, simplement pour être dans le coup. Travailler pour être reconnu socialement.

Le vrai courage serait de lutter pour l’abolition du travail, libérer l’homme du concept du travail pour retrouver l’énorme capacité créatrice qu’il possède.
L’homme mérite mieux qu’un alignement stupide derrière ses semblables, dans un local minable, une carte rouge à la main…

Source : Le Communiste N° 27 (Juillet 1988)
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