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 Le mouvement oublié du contrôle ouvrier pendant le Printemps de Prague

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bugsy
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MessageSujet: Le mouvement oublié du contrôle ouvrier pendant le Printemps de Prague   Le mouvement oublié du contrôle ouvrier pendant le Printemps de Prague EmptyDim 20 Mar - 12:58

Le mouvement oublié du contrôle ouvrier pendant le Printemps de Prague

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Alexander Dubček

Au moment [août 1968] de l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, deux mois après la formation des premiers conseils ouvriers, il y en avait peut-être moins de deux douzaines, bien qu’ils aient été concentrés dans les plus grandes entreprises et aient donc représenté un grand nombre d’employés. Mais le mouvement a décollé, et en janvier 1969, il y avait des conseils dans presque 120 entreprises, représentant plus de 800 000 employés, soit à peu près un sixième des travailleurs du pays. C’est arrivé malgré le climat de découragement qui a frappé le gouvernement à partir d’octobre 1968.

Depuis le début, ce fut un mouvement populaire parti de la base, qui a contraint le parti, le gouvernement et les directions des entreprises à réagir. Les conseils ont conçu leurs propres statuts et les ont appliqués dès le départ. Le projet de statuts de l’usine Wilhelm Pieck à Prague (parmi les premiers, créés en juin 1968) donne un bon exemple de cette démarche. « Les ouvriers de l’usine W. Pieck (CKD Prague) souhaitent respecter l’un des droits fondamentaux de la démocratie socialiste, à savoir le droit des travailleurs à gérer leur propre usine, déclarait l’introduction des statuts. Ils désirent aussi que s’établisse un lien plus étroit entre les intérêts de la société tout entière et ceux de chaque individu. À cette fin, ils ont décidé d’instaurer l’autogestion des travailleurs.»

Tous les employés travaillant depuis au moins trois mois, excepté le directeur, étaient éligibles pour participer [aux conseils], et les employés dans leur ensemble, sous le nom d’assemblée des travailleurs, formaient l’organe suprême qui prendrait toutes les décisions fondamentales. À son tour, l’assemblée élisait le conseil ouvrier pour appliquer les décisions de l’ensemble, assurer la gestion et embaucher le directeur. Les membres du conseil assuraient des mandats par roulement, étaient élus à bulletin secret et étaient révocables. Le directeur devait être choisi après l’examen de chaque candidat par une instance composée d’une majorité d’employés et d’une minorité d’organisations extérieures.

Un directeur est le plus haut responsable, l’équivalent de l’administrateur général d’une entreprise capitaliste. Le conseil ouvrier serait l’équivalent d’un conseil d’administration dans une entreprise capitaliste cotée en Bourse. Ce rôle de superviseur, cependant, serait radicalement différent : le conseil ouvrier serait composé de travailleurs agissant dans l’intérêt de leurs collègues travailleurs et, théoriquement, en gardant également à l’esprit le bien commun de la société.

En revanche, dans une société capitaliste cotée en Bourse, le conseil d’administration est composé des cadres supérieurs de l’entreprise, des copains de l’administrateur en chef, de cadres d’autres sociétés avec lesquelles il y a une concordance d’intérêts, et peut-être une personnalité ou deux, où ce conseil d’administration n’a de responsabilité qu’envers les détenteurs des actions de la société. Bien que ce devoir à l’égard des actionnaires soit suffisamment puissant dans certains pays pour être inscrit dans des statuts juridiques, la propriété des actions est répartie entre tellement de gens que le conseil d’administration agira souvent dans l’intérêt de cette administration, ce qui se traduit par le transfert avec le moins d’entraves possible de la richesse vers le haut. Mais dans les cas où le conseil d’administration respecte ses obligations légales et gouverne dans l’intérêt des actionnaires, son devoir consiste simplement à maximiser le prix des actions par tous les moyens nécessaires, sans excepter les licenciements massifs, les réductions de salaire et la suppression des avantages sociaux des employés. Dans un cas comme dans l’autre, l’entreprise capitaliste est gouvernée contre les intérêts de sa force de travail (dont les efforts collectifs sont la source des profits), et la loi l’exige.

Une rencontre nationale pour codifier les statuts

Les statuts de l’usine Wilhelm Pieck étaient semblables à d’autres statuts réalisés dans d’autres entreprises qui instauraient des conseils ouvriers. Il n’était que logique qu’une fédération des conseils soit formée afin de coordonner leur travail et que l’activité économique ait une relation avec l’intérêt plus large de la société. Avant le délai du gouvernement pour fournir une législation nationale codifiant les conseils, une assemblée générale des conseils ouvriers a eu lieu les 9 et 10 janvier 1969 à Plzeň [Pilsen], l’une des plus importantes villes industrielles de Tchécoslovaquie (peut-être plus connue internationalement pour ses célèbres bières). Un rapport de 104 pages a livré un bon compte-rendu de la réunion (il a aussi été enregistré) ; des représentants de toutes les régions tchèques et de la Slovaquie ont convenu de livrer les points de vue des conseils pour aider à la préparation de la loi nationale.

Des dirigeants syndicaux étaient parmi les participants à la réunion, et ont soutenu les rôles complémentaires des syndicats et des conseils. (Les syndicats, comme mentionné plus haut, ont convoqué les deux tiers des conseils.) L’un des premiers orateurs, un ingénieur président de son syndicat local à Plzeň, a expliqué qu’une division des tâches était un développement naturel : « Pour nous, l’instauration des conseils ouvriers implique que nous serons en mesure d’atteindre un statut d’indépendance relative pour l’entreprise, que le pouvoir de décision sera séparé des pouvoirs exécutifs, que les syndicats auront les mains libres pour mener leurs propres politiques spécifiques, que les progrès se réaliseront dans le sens d’une solution au problème de la relation des producteurs à leur production, c’est-à-dire que nous commencerons à résoudre le problème de l’aliénation. »

Quelque 190 entreprises étaient représentées à cette assemblée, dont 101 conseils ouvriers et 61 commissions préparatoires pour la création de conseils ; le reste était composé de syndicats ou d’autres types de comités. L’assemblée s’est conclue avec l’adoption à l’unanimité d’une résolution en six points, incluant « le droit à l’autogestion comme droit inaliénable du producteur socialiste ».

La résolution déclarait :

   « Nous sommes convaincus que les conseils ouvriers peuvent aider à humaniser à la fois le travail et les relations au sein de l’entreprise, et donner à chaque producteur le sentiment qu’il n’est pas seulement un employé, un simple élément de travail dans le procès de production, mais aussi l’organisateur et le co-créateur de ce procès. C’est pourquoi nous souhaitons réaffirmer ici et maintenant que les conseils doivent toujours préserver leur caractère démocratique et leurs liens vitaux avec leurs électeurs, prévenant ainsi la formation d’une caste spéciale de cadres professionnels de l’autogestion. »

Ce caractère démocratique, et la popularité du concept, se manifeste dans une participation massive – une enquête sur 95 conseils a trouvé que 83 % des employés avaient participé aux élections des conseils. Une étude importante de ces 95 conseils a été entreprise, qui représentaient la production industrielle et d’autres secteurs, et une tendance intéressante a émergé des données dans le haut niveau d’expérience incarné par les membres élus dans les conseils. Environ trois quarts de ces élus avaient occupé leur place de travail depuis plus de dix ans, et la plupart depuis plus de 15 ans. Plus de 70 % des membres des conseils étaient techniciens ou ingénieurs, environ un quart étaient des travailleurs manuels et seulement 5% faisaient partie du personnel administratif. Ces résultats représentent un taux important de vote pour les candidats les mieux perçus plutôt que des employés votant simplement pour leurs amis ou pour des candidats semblables à eux – parce que le mouvement des conseils était particulièrement fort dans les secteurs industriels, la plupart de ceux qui votaient pour les membres des conseils étaient des travailleurs manuels.

Ces résultats démontraient un haut niveau de maturité politique de la part des travailleurs tchécoslovaques. Un autre indice de ce sérieux est que 29% des élus dans les conseils avaient une formation universitaire, éventuellement un niveau moyen de formation plus élevé que celui des directeurs. De nombreux directeurs avaient été mis à leurs postes dans le passé grâce à des connexions politiques, et un désir de se révolter contre une gestion parfois marquée par l’amateurisme a joué un rôle dans le mouvement des conseils. Il est intéressant aussi qu’environ la moitié des membres des conseils aient été aussi membres du Parti communiste. Les travailleurs tchécoslovaques ont continué à croire au socialisme tout en rejetant le système de style soviétique qui leur était imposé.

Le gouvernement a cherché à édulcorer le contrôle ouvrier

Le gouvernement a rédigé un projet de loi, copie de celui qui circulait en janvier 1969, mais la loi n’a jamais été adoptée puisque la pression soviétique sur la direction du parti tchécoslovaque s’est intensifiée et que des partisans de la ligne dure ont commencé à s’imposer. La loi aurait changé le nom des conseils ouvriers en conseils d’entreprise et édulcorait certains des statuts qui avaient été édictés par les conseils eux-mêmes. Ces reculs incluaient la proposition d’un droit de veto de l’État sur la sélection des dirigeants des entreprises, qu’un cinquième des conseils d’entreprises soit constitué de spécialistes extérieurs non élus et que les conseils de ce que la loi désigne comme des entreprises d’État (banques, chemins de fer et autres entités qui resteraient contrôlées directement par le gouvernement) ne puissent avoir qu’une minorité de membres élus par les employés et donne un droit de veto au gouvernement sur les décisions du conseil.

Cette proposition de retour en arrière a suscité l’opposition. Le quotidien syndical Práce, dans un commentaire de février, et un congrès syndical fédéral, en mars, ont appelé la loi du gouvernement « le minimum acceptable ». Dans un commentaire de Práce, un ingénieur et militant des conseils, Rudolf Slánský Jr. (le fils du dirigeant du parti exécuté), plaçait le mouvement des conseils dans le contexte de la question de la propriété des entreprises.

« La gestion de notre économie nationale est l’un des problèmes fondamentaux », a écrit Slánský.

« Le principe économique sur lequel la gestion bureaucratique-centraliste repose est l’exercice direct des fonctions de propriété de l’industrie nationalisée. L’État, ou plus précisément divers organes centraux de l’État, assument cette tâche. Il n’est presque pas nécessaire de rappeler au lecteur l’une des principales leçons du marxisme, c’est-à-dire que qui détient la propriété détient le pouvoir… La seule méthode possible pour transformer le modèle bureaucratique-administratif de notre société socialiste en un modèle démocratique est d’abolir le monopole de l’administration étatique sur l’exercice des fonctions de propriété, et de le décentraliser vers ceux dont les intérêts résident dans le fonctionnement de l’entreprise socialiste, c’est-à-dire les collectifs de travailleurs des entreprises. »

S’adressant aux bureaucrates qui s’opposaient à une diminution du contrôle central, Slánský a écrit :

« Ces gens aiment confondre certains concepts. Ils disent par exemple que cette loi signifierait transformer la propriété sociale dans son ensemble en une propriété de groupe, même si ce n’est évidemment pas une question de propriété mais plutôt celle de savoir qui exerce des droits de propriété au nom de la société tout entière, que ce soit l’appareil d’État ou les producteurs socialistes, directement, c’est-à-dire les collectifs d’entreprise. »

Néanmoins, il existe une tension entre les tâches de surveillance et la gestion au jour le jour. Un autre commentateur, un professeur de droit, a déclaré :

   « Nous ne devons pas […] poser la démocratie et les compétences techniques comme opposées, mais chercher un équilibre harmonieux entre ces deux composantes. […] Il vaudrait peut-être mieux ne pas parler d’un transfert de fonctions mais plutôt d’un transfert de tâches. Il sera alors nécessaires que le transfert adéquat soit dicté par des besoins plutôt que par des raisons dogmatiques ou de prestige. »

Ces discussions n’ont pas eu l’occasion de se développer. En avril 1969, Alexander Dubček était contraint de quitter sa fonction de premier secrétaire du parti, remplacé par Gustáv Husák, qui n’a pas perdu de temps avant d’inaugurer la répression. Le projet de loi était classé en mai, et les responsables du gouvernement et du parti ont entamé une campagne contre les conseils ouvriers. Le gouvernement les a formellement interdits en juillet 1970, mais à ce moment-là, ils étaient déjà en train de disparaître.

Ce texte est un extrait de l’ouvrage It’s Not Over: Learning From the Socialist Experiment (Ce n’est pas fini : apprendre de l’expérience socialiste), officiellement publié le 16 février par Zero Books. Les sources omises dans cet extrait sont : Robert Vitak, Workers Control: The Czechoslovak Experience, Socialist Register, 1971; Oldřich Kyn, The Rise and Fall of the Economic Reform in Czechoslovakia, American Economic Review, May 1970; et plusieurs articles rassemblés dans Vladimir Fišera, Workers’ Councils in Czechoslovakia: Documents and Essays 1968-69 [St. Martin’s Press, 1978]

Source : https://systemicdisorder.wordpress.com/2016/03/09/prague-spring/
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